Raël is back !

Avoue que tu l’as oublié copine. Oui, Raël, ce chômeur illuminé qui prétend avoir un lien indéfectible avec de mystérieuses créatures venues d’ailleurs et qui prétendent être à l’origine de l’humain, du monde, de l’univers et du couscous. Dans les faits, c’est un gourou parmi tant d’autres. Dans son esprit, Il est l’être le plus intelligent, futé et retors qui soit. Oui copine, je refuse de croire un seul instant à une quelconque sincérité de la part de cet escroc, fût-elle due à un déséquilibre mental.

C’est qu’il en est conscient copine. Il sait qu’il n’occupe désormais plus les méandres de tes pensées comme il le faisait jadis. Il sait qu’il doit redorer son blason et revenir sur le devant de la scène guignolo-religieuse qui, à l’ère de TikTok, Instagram et autres Skyblogs ne bénéficie plus autant de l’attention de ces crétins à l’affût de la moindre bafouille ésotérique.

« Il est loin, le temps où j’étais entouré de fidèles, eux-mêmes entourés de curieux, tous liés dans l’attente des Elohims », pense-t-il. « Je me dois, au nom du mouvement raëlien, d’accomplir un coup d’éclat, une prouesse afin de rappeler au monde que son centre n’est autre que Raël, le seul, l’unique, le plus beau, le mieux habillé ! ». Raël, contrit mais toujours résolu, prend une décision. Il embarque dans sa Maserati adornée de stickers Laboiserie et va rendre visite à son dealer. Dans un crissement de pneus, il s’arrête devant la cité jadis fleurie sur les marches de laquelle trône Djaâfar, dit Djifa, le BG de la rue des amandiers en fleurs, le Warren Buffet à vaisselle des amphétamines, le Jean-Claude Vandamme des victoires par K.O. à sept-contre-un. Autour de lui se dresse sa cour de chevaliers encapuchonnés, les légendaires et redoutés Machianas.

« Wech, votre survêterie », dit-il en respectant les coutumes locales de politesse. « Wech, wech, sa va ? Toujours à pleuré ta maire comkoi les gens ils t’aime plus ? ». Le visage de Raël s’assombrit. Il n’est pas fâché, mais il sait que pour obtenir l’attention de ce roitelet bitumineux, il doit feindre l’offense, afin de provoquer en lui une riposte tout aussi faussement empreinte de magnanimité et de noblesse. « Je tacchine, Raël, tu sais bien que je tacchine. Dis-moi de quoi tu as besoin, et je t’aiderer inchallah, bismillah, saha aidek ».

Raël se détend. Il a réussi la première épreuve haut-la-main. Il sait désormais qu’à condition de bien négocier, Djifa l’aidera sans faire d’histoires, parce que ce sera dans son intérêt. « Ce que j’ai à vous demander, votre adidasserie, risque d’amoindrir vos réserves… ». « Cé rien, des réserves, j’en ai à revendre ». Puis il ajoute, après réflexion : « D’ailleurs, je les revends, ces mon taf ! ». L’assemblée de sycophantes éclate de rire. « Débar Djifa, débar !!! ». Raël se sent pousser des ailes. Tout se passe bien. « Effectivement, bien débar votre kératinade ! Mais je ne parle pas de ces réserves-là, je parle des autres… »

Djâafar renifle bruyamment, puis se redresse dans un geste qui se veut digne et sombre. « Sa, maufraire, je peux pas. Déjà que sa devien sa maire compliquer d’en trouvé, ses pas pour te les donné, tchuvoix? ». Raël sort alors sa carte maîtresse : Le crédit. « Je peux apporter l’assurance à votre T-maxerie qu’une fois mon plan en marche, je rembourserai mes dettes à des taux d’intér… » « Wo, wo, woooo ! Les intérêts, c’est haram poto ! Tu viens de commettre une erreur que même Baggio il en serait pas coupab. Capab* ». « Je veux dire, bien entendu, que je rembourserai mes dettes, et je les accompagnerai d’un cadeau pour témoigner de ma reconnaissance, votre haramitude ! » Djifa semble encore méfiant. Raël abat son dernier atout. « Pour prouver ma bonne foi, je vous offre, Ô champion des règlements de compte, les clés de ma voiture ». Les yeux de Djâafar s’illuminent. Une Maserati. Une Maserati Laboiserie qui plus est ! Mahmoud, de la cité d’à côté, en serait vert de jalousie ! Il fait mine de réfléchir.

« Ses d’accord maufraire. Tu auras tout ce que tu veux. Mais sous réserve de remboursement dans une semaine, on sais jamé avec les keufs… ». Raël s’empresse d’acquiescer en remerciant avec effusion son sauveur. Mais il sent qu’il n’a pas obtenu le maximum. Il tire sur la corde, comme il sait si bien le faire. « Une dernière chose, votre muflerie. J’ai besoin que vous vous occupiez du lancement vous-mêmes, avec vos troupes ». Le baron des cachetons périmés s’offusque, s’indigne, puis finit par capituler sous la menace de voir son invité repartir avec le bolide tant convoité. Ils conviennent d’une date, d’une heure et d’un endroit et Raël repart piéton, mais riche d’une promesse faite par un frère en affaires.

Le jour dit, à l’heure dite, Raël prend un café en terrasse. Il lève les yeux, et voit le ciel du soir s’illuminer de mille feux. Les gens l’imitent, les passants deviennent foule, et tous spéculent sur la nature de ces inquiétante zébrures éclatantes. « Serait-ce une attaque ? », demande l’un. « Sûrement les chinois », avance l’autre. Nul d’entre eux ne se doute que ce ne sont là que de vulgaire mortiers d’artifice lancés depuis les toits voisins. Craignant l’apparition d’un observateur à l’intelligence dépourvue d’impuretés médiatiques, Raël se dresse sur une table et commande l’attention : « Mes amis ! Mes fidèles ! La prophétie se réalise ! Les Elohims, ces êtres de lumière desquels je suis le SEUL interlocuteur se manifestent ! Ils ont voyagé des années-lumière à travers le cosmos pour nous envoyer un message ! Bientôt, ils seront ici, et bientôt, la béatitude cosmique régnera ! Heureux celui qui voit, béni celui qui croit ! Embrassez-vous mes frères et sœurs, car je suis Raël, le prophète des Elohims ! ».

La foule, en émoi, n’offre nulle résistance à ce discours empreint de chaleur et, croient-ils dur comme fer, de vérité. Les sanglots fusent, les embrassades se succèdent, les baisers se font plus fougueux, et bientôt, cette place d’ordinaire tout à fait anodine se mue en fosse commune où le bon sens va mourir, et les nouveaux apôtres de Raêl se mêlent en une entité orgiaque pour laquelle seul l’ivresse du plaisir compte, au détriment de la vérité réduite en esclavage par le messager de Elohims.

Raël, satisfait, contemple son œuvre. Avec des fidèles aussi fougueux et dociles, les caisses seraient bientôt renflouées. Il rembourserait sa dette et gagnerait ainsi un ami sur lequel il pourrait toujours compter en cas d’épidémie de crise de foi. De nouveau, Raël est présent, Raël est puissant, Raël est grand !

Addendum : Lorsque j’écris, il est dans mon habitude de prendre de courtes notes en amont sur des post-it. Le moment venu, je les rassemble et les ordonne afin d’obtenir une suite narrative satisfaisante. Jusqu’à aujourd’hui où, après avoir terminé ma rédaction, je retrouve, coincé sous une roulette de ma chaise de bureau, l’un de ces post-it. L’os, c’est que je ne me souviens absolument pas quelle place il devait occuper à l’origine, mais par souci de rigueur journalistique, j’en reproduis ici la teneur. On y lit : «  Raël est né à Vichy ». Dont acte.

* Mes références footballistiques s’arrêtent à l’année 1994.

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