Blanquette la Révoltée

Aujourd’hui, on accueille une copine. Imène Latachi est une jeune poétesse au talent indéniable et, fait assez rare pour être souligné trois fois au Bic quatre couleurs, à l’humour certain. Dans cette réinterprétation de « La Chèvre de Monsieur Seguin », elle a choisi l’ésotérisme comme vernis du contemporain, comme tout bon fabuliste qui se respecte.
Imène est l’auteure du recueil de poésie « Mirage », paru aux éditions Tafat.

*   *   *

Nous dormons, un rêve peut empoisonner notre sommeil. Nous nous levons, une pensée errante peut perturber toute une journée. Nous sentons, pensons, raisonnons, nous rions, nous pleurons… Nous sommes pris par la douleur où nous chassons notre chagrin. C’est pareil que nous soyons heureux ou malheureux, le chemin du départ est toujours libre…

Pour l’homme la veille ne ressemble pas au lendemain, rien ne peut durer, sinon le CHANGEMENT…

Monsieur Seguin était un simple fermier, si connu en Normandie, plus précisément à Rouen. L’expression « perdre sa tête comme blanquette » passait également pour un adage dans cette région. Voici l’origine de cette expression :

M. Seguin a dû faire un fameux gain

En vu de sa grandiose ferme

On disait que celle-ci, ne prendrait jamais terme ;

Par instants, son œil s’illumine

En vue de ses belles vaches et chèvres qui cheminent

Entre le chaume et le regain.

— Ô mes amies, disait-il

êtes-vous bien, êtes-vous tranquilles ?

—  Sois pour nous une seule fois utile,

Amène-nous, dit blanquette, à la ville ;

On se sent comme dans un exil !

— Mais, Comment puis-je risquer un tel péril ?

Soudainement, les vaches protestèrent: à la ville, à la ville !!!

— Taisez-vous, c’est inutile

Moi, qui vous prenez pour des êtres subtils

Vous n’êtes que des imbéciles

Vous n’allez connaître que cette ferme,

Allez !!! Il est bien temps que je vous enferme.

Les jours et les mois passèrent. Monsieur Seguin ne parlait plus avec ses vaches et chèvres. Mais, plus jamais ils ne firent allusion à la ville.

Par une nuit dominicale, avec tout le monde d’endormi, Blanquette faisait entendre des cris : ouu, ouuuuuu gémit-elle.

Mme La chèvre, mère de Mlle Blanquette illumina la salle.

— Qu’est-ce que tu as Blanquette ?

Celle-ci semblait sombrer dans un sommeil profond. Elle redoublait de plus en plus ses cris, le motif pour lequel toute la ferme se réveilla.

« Ouuu, oeuuuu !!  » hurlait blanquette. C’était pitié de voir la souffrance de cette si belle chèvre coquette. On pensait qu’elle allait mourir et on appela monsieur Seguin pour la secourir.

— Mais qu’as-tu blanquette, tu délires ?

Blanquette ne répondit pas. Eh oui !! On aurait s’en douter : elle faisait un cauchemar.

Le lendemain matin, toutes les chèvres prirent de ses nouvelles…

« Elle va mieux à présent » les rassura Mme la mère. Une fois levée, Blanquette appela ses amies. Que trouve-t-on d’aussi agréable à voir ? C’était en somme, une réunion de chèvres.

— Ah si je vous raconte ce dont j’ai rêvé hier !! Figurez-vous mes chers j’étais libre et j’ai même apprivoisé le loup. Il n’est pas si méchant ne vous étonnez pas ! Souvent les hommes exagèrent, ils se font tant d’idées sur ce qu’ils ignorent. Que des conneries desquelles Monsieur Seguin nous faisait part vis-à-vis de nos amis les loups….

— Oulala !! L’interrompit uns chèvre, blanquette a perdu sa tête. Tu délires. C’est même flagrant.

— Mâtin de mâtin, je ne délire guère !! Arrêtez de m’outrager, j’ai tout simplement l’esprit ouvert .

— Ma chère, répondit la même chèvre, ton esprit ouvert, va te guider droit à l’enfer. Si tu veux voir le loup, sache que ton corps lui est déjà… Offert.

— Reste avec nous, avec ta mère, prière ! Ajouta une autre chèvre.

Toutes les chèvres se prirent d’un éclat de rire, le visage de Blanquette s’empourpra et subitement un courroux l’emporta.

— Vous verrez, vous verrez ! Répéta Blanquette.

En s’éloignant des troupeaux ,elle appela son amie, la chèvre chamoisée de montagne . Et elles se mirent d’accord pour s’évader À la recherche de l’ami loup… Cependant, Alpine manqua de dire non. C’est son maudit devoir d’amitié qui l’obligeait à lui tenir compagnie. En somme, toutes les deux s’échappèrent par une issue qui conduit directement à la montagne.

Trois heures depuis leur départ et ni l’une, ni l’autre ne donna de ses nouvelles.

— Logiquement parlant, dit la mère, ma fille est morte. Si d’ici un quart d’heure, nulle d’entre elles ne feraient son apparition, j’irais à la montagne également. Que le diable ou le loup m’emporte ! Que serais-je sans toi, Blanquette ?

— Mes sincères condoléances, répondit Alpine essoufflée….

— Traîtrise, gronda la mère, n’est-elle pas avec toi ? Pourquoi ne pas la secourir ?!

— Une fois que la mort entoure quelqu’un la seule aide dont on peut parler, est bel et bien celle qu’on procure à soi.

— Ma fiiiille !! Hurla la chèvre.

— Calme toi, répondit monsieur Seguin ! Voilà pour vous une morale :

En toute chose, il faut considérer la fin

Si blanquette avait été heureuse de manger à sa faim

Elle aurait fait de sa vie, un festin.

Que puis-je vous dire enfin ?

Que Dieu bénisse les défunts !

Imène LATACHI

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